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Date Tue, 15 May 2001 02:36:43 +0200
Subject globe_l: Macédoine : état de guerre larvée à Kumanovo


The Institute for War & Peace Reporting
Rapport sur la crise des Balkans N° 244
5 mai 2001
(Traduit par Alexandre Billette)

État de guerre larvée à Kumanovo

Les rues de cette ville auparavant cosmopolite sont maintenant
silencieuses,
et quelques familles albanaises ont déjà quitté les environs, alors que
des
hélicoptères survolent la région et que les habitants qui restent voient
le
conflit s’envenimer jour après jour.

Par Nexhat Aqifi (journaliste, Kumanovo)

Malgré le son des hélicoptères survolant les têtes, et le bruit des
combats
dans les villages voisins de Vaksince et Slupcane, tenus par les
rebelles,
les rues de Kumanovo sont étrangement tranquilles. Pour les résidants de

cette ville de 90 000 habitants, qui compte Macédoniens, Albanais,
Serbes,
Valaques et Roms dans une atmosphère ambiguë de coexistence pacifique et
de
tensions ethniques, le conflit macédonien a pris une envergure sérieuse;
à
Kumanovo, on s’abstient aujourd’hui de déambuler dans les rues de la
ville.
«La guerre a débuté», explique Selver Halimi à son fils de dix ans pour
justifier leur départ de la maison familiale.

Alors que les bombardements de l’armée macédonienne se poursuivent pour
un
troisième jour consécutif à quelques kilomètres plus à l’ouest, les
écoles
de la ville sont fermées, seulement quelques commerces demeurent ouverts
et
l’équipe locale de football a dû annuler les rencontres prévues au
calendrier, faute de joueurs : ceux-ci habitent pour la plupart les
villages
sous le feu de l’armée et des rebelles. Un couvre-feu a été imposé de 22

heures à cinq heures.

Le bar-tabac de Latif, l’un des plus fréquentés de la ville, est l’un
des
rares commerces à avoir tenu le coup depuis le début du conflit. Tous
les
habitués se posent la même question : «Quand cela s’achèvera-t-il ?» Les

points de vue entre les deux communautés principales [slavo-macédonienne
et
albanaise] sont franchement opposés. Un Macédonien défend l’armée
nationale
: «nos troupes protègent le pays contre les terroristes», dit-il. Les
Albanais, quant à eux, ne critiquent pas ouvertement les membres de
l’Armée
de libération nationale (UÇK-M), et expriment tous de profondes
réticences
quant aux actions militaires de Skopje : «Je n’en crois pas mes yeux»,
explique Ilijaz Abazi. «Les civils sont ciblés par les militaires alors
que
des villages sont réduits en cendres par les hélicoptères de combat».

Avant la dernière offensive en date de l’armée macédonienne, en réponse
à l’
assassinat ou à l’enlèvement de plusieurs membres des forces armées
nationales, les autorités de Skopje ont demandé à tous les civils des
villages de Slupcane (5 000 habitants) et de Vaksince (2 000 habitants)
de
quitter l’endroit.

Mis à part quelques femmes et enfants qui ont pris la route du Kosovo ou
de
la Serbie, la plupart des résidants de ces deux villages ont choisi de
rester sur place, à l’instar de ceux de Lojane, Lipkovo et Hotla,
notamment,
où un ordre d’évacuation avait également été donné. Face aux pressions
des
autorités, cependant, 50 villageois de Slupcane acceptaient finalement
de
quitter leurs foyers.

L’armée macédonienne affirme que ces villageois font office de boucliers

humains pour les combattants de l’UÇK-M. Et quoique jouissant du soutien

«indéfectible» de l’Union européenne et de Washington, Skopje a été
sommé de
ne pas, en aucun cas, effectuer d’actions militaires à l’encontre des
civils.

Selon les informations qui circulent à Kumanovo, cependant, les
villageois
démentent avoir été retenus par les combattants albanais. Plusieurs
d’entre
eux se sont rassemblés dans des caves et des sous-sols, des abris de
fortune
pouvant parfois compter jusqu’à 100 ou 200 personnes. «Cette histoire de

“prise d’otages” des femmes et des enfants par l’UÇK-M est de la
foutaise»,
explique Ljumnuse Avdilji, de Vaksince, au cours d’une conversation
téléphonique. «En fait, nous sommes attaqués par l’armée macédonienne».
«C’
est notre décision propre de rester ici», ajoute une femme albanaise.
«Personne ne veut quitter son foyer».

Les bombardements ont repris à 11 heures ce 6 mai, suivant la fin de l’
ultimatum lancé aux forces rebelles par l’armée macédonienne. Il est
pour l’
instant impossible de faire état du bilan des attaques, du nombre de
victimes et de blessés, parmi les rebelles et au sein de la population
locale. L’armée de Skopje maintient qu’elle n’a effectué aucune
offensive à
l’encontre de civils. Un bilan que conteste un médecin local, Fatmire
Hasani, qui estime à huit morts et une cinquantaine de blessés le nombre
de
victimes. Au même moment, des sources albanaises parlaient de maisons
incendiées par l’armée alors que des civils y étaient toujours. «Les
événements de Slupcane sont terribles», admet le docteur Hasani. «Des
innocents meurent pour le simple fait qu’ils sont Albanais».

Par ailleurs, une vingtaine de policiers d’origine albanaise ont affirmé

avoir déserté le corps policier et avoir remis armes et uniformes aux
«guérilleros» de l’UÇK-M. Des sources proches des rebelles, vantant la
modernité de l’équipement dont bénéficient les forces rebelles, ont
affirmé
à des médias locaux que l’UÇK-M avait repoussé avec succès les attaques
de l
’armée. Tandis qu’ils indiquent avoir abattu trois hélicoptères et avoir

capturé deux chars d’assaut, les responsables des relations de presse de
l’
armée ne revendiquent aucune perte.

Tous ces événements créent d’immenses tensions au sein de la population
de
Kumanovo : la ville, composée essentiellement de Slavo-Macédoniens, d’
Albanais et de Serbes, commence à appréhender une situation explosive et
les
habitants craignent que ceci ne mène à un conflit ethnique sanglant
entre
les communautés.

Les relations intercommunautaires ont toujours été au cœur des défis que

devait relever la ville. La tension est toujours présente, et les
premières
échauffourées macédoniennes de la deuxième guerre mondiale avaient
éclaté
ici-même. «Kumanovo pourrait devenir le Vukovar de Macédoine», craint un

habitant slave de la ville.

Pour l’instant, il n’y a eu aucune escarmouche à l’intérieur même de la
ville. Les fonctionnaires locaux et les forces policières de la ville
tentent de désamorcer l’escalade de la violence entre les communautés,
et
demandent à tous de ne pas répondre à d’éventuelles provocations. Le
maire
de la ville, Slobodan Kovacevski, a exhorté les populations slaves à ne
pas
s’en prendre aux commerces et aux maisons tenues par des Albanais, comme
à
Bitola suite aux funérailles de quatre soldats tués par l’UÇK-M. Le
bourgmestre a également demandé aux Albanais de ne pas soutenir l’UÇK-M
et
de joindre les rangs de l’armée pour défendre le pays contre les
attaques
des rebelles. Husamedin Halili, le maire de Lipkovo, a imploré pour sa
part
l’armée macédonienne de cesser les attaques des villages de la région.

La question est de savoir dans quelle mesure les autorités locales
jouissent
d’une influence suffisante auprès de la population pour stopper les
éventuels conflits intercommunautaires. Plusieurs résidants de Kumanovo
estiment déjà que la situation est dorénavant hors de contrôle. La nuit
dernière [du 4 au 5 mai dernier, NDT], des rumeurs courraient au sein de
la
communauté albanaise à savoir que les communautés slaves s’apprêtaient à

venir détruire les quartiers albanophones. Au petit matin, des centaines
de
familles albanaises quittaient la ville pour Skopje, la capitale. «Nous
restons prostrés dans nos foyers afin de savoir ce qu’il adviendra de
nous
demain», raconte, apeuré, un citoyen albanais. «C’est trop dangereux de
sortir; mieux vaut rester à l’intérieur.»

Un Serbe de 40 ans approuve: «je crois bien que mes enfants seront
victimes
de cette folie», dit-il, résigné…

*****

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